La Fondation Cartier à Paris présente jusqu'en mars 2025 les œuvres de l'artiste colombienne Olga de Amaral. Cette exposition m'a profondément inspirée, éveillant en moi des souvenirs intimes et une réflexion sur mes propres racines.

J'ai immédiatement pensé à ma grand-mère, Josefa, née en 1919 dans l'intérieur du Pernambouc, au Brésil. Elle avait très peu étudié. Pourtant, elle maîtrisait parfaitement l'art du fil. C'est grâce à des femmes comme elle, gardiennes de traditions textiles riches et ancestrales, que je suis devenue à mon tour une créatrice d'art textile. Josefa nous a quittés il y a longtemps, mais son héritage continue de vivre à travers moi.
Olga de Amaral été influencée par l'école allemande du Bauhaus, où la frontière entre artiste et artisan s'efface. Ainsi, elle découvre le design textile et le tissage. Elle développe alors une passion profonde pour la couleur et entreprend des expérimentations audacieuses avec la matière, la composition et la géométrie. Ses œuvres, comme les « Entrelazados », témoignent de cette exploration : des bandes tissées aux couleurs et épaisseurs variées s'entrecroisent, intégrant parfois des matériaux inattendus pour créer des structures complexes et poétiques. Olga de Amaral repousse les limites du textile en jouant avec de nouvelles matières et techniques. Elle utilise des fils de lin, de laine, de crin de cheval, voire même du plastique, qu'elle tisse, tresse, enroule ou noue pour dépasser la planéité traditionnelle du textile. Ses créations évoquent une hybridité fascinante entre art et artisanat, entre forme et récit.

D'ailleurs, les mots « texte » et « textile » partagent la même racine étymologique, le latin texere, qui signifie à la fois tisser et raconter. Cette dualité se retrouve dans les quipus, ces cordelettes nouées et colorées utilisées par les Incas pour conserver des informations, qu'il s'agisse de comptes, de lois ou d'histoires. Les nœuds d'Olga de Amaral rendent hommage à cette tradition, transformant chaque fil en un mot, chaque œuvre en un langage visuel.

Ses pièces incarnent l'idée de transcrire dans le textile la mémoire d'une personne, d'une époque ou même d'un empire. Pourtant, comme le souligne l'artiste, ce langage reste indéchiffrable pour qui n'en connaît pas le code. L'œuvre « Memorias », par exemple, se lit et se regarde dans les deux sens, invitant à une interprétation multiple et personnelle.
Olga de Amaral, une Sud-Américaine comme ma grand-mère et moi, a su montrer que tisser des fils, c'est aussi tisser la vie, révélant au public des possibilités infinies de formes, de couleurs et de sens.
Inspirée par cette exposition, je me suis sentie profondément reconnaissante envers ces femmes qui, à travers les âges, ont su donner forme et signification à travers le fil. Cette gratitude a renforcé ma propre démarche artistique. J'ai lancé la marque Caligraphic avec deux approches textiles distinctes : d'une part, la création de vêtements à partir de tissus réutilisés, conçus dans mon atelier, aux couleurs unies et épurées ; d'autre part, l'intégration de mes dessins dans des pièces de mode, grâce à des imprimés que je conçois moi-même.
Mon grand projet pour 2025 est le tricot numérique avec la machine Kniterate. Par une heureuse coïncidence, une artiste qui m'a beaucoup influencée porte également le prénom d'Olga : Olgallyn Jolly, une créatrice américaine basée à New York. Depuis les années 1980, elle s'est spécialisée dans les techniques de tricotage avancées, explorant des formes et des textures innovantes. Olgallyn, qui a également un passé dans les arts du spectacle, est fascinée par les fibres luxueuses. Elle aime manipuler les fils, les boucler, leur donner des formes inattendues et créer des rythmes visuels à travers la répétition de motifs. Pour elle, un textile tricoté est une idée complexe et belle matérialisée, un fil unique devenant une œuvre achevée. Sa mission est claire : en finir avec les tricots ennuyeux ! Ses créations se distinguent par leurs poly-textures surprenantes et leurs structures ingénieuses. Voici quelques exemples du travail d'Olgallyn Jolly:
La visite de l'exposition d'Olga de Amaral a été une source d'inspiration majeure pour moi. Elle m'a rappelé la puissance du textile comme vecteur de mémoire, de beauté et d'innovation. Grâce à des artistes comme Olga de Amaral et Olgallyn Jolly, je continue d'explorer les possibilités infinies du fil, en hommage à celles qui, comme ma grand-mère Josefa, ont tissé avant moi. Bien qu'elle ne soit plus là, son esprit et son savoir-faire restent une source inépuisable d'inspiration dans mon travail.
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